Une lueur de folie
Savonnière
Léopold
Quelqu'un chuchote :« Il est minuit. »
Je me tourne vers Léa. Je suis effaré. Son regard est menaçant, et une lueur de folie brille au fond de ces yeux, une lueur que j'ai déjà vue...
Et Julie se jette sur elle.
Je ne comprends rien à ce qui arrive, je suis bousculé vers l'arrière, et d'autres invités essaient aussitôt de s'interposer entre les deux filles. Je me relève tant bien que mal et me dirige vers Léa. Des jeunes lui parlent mais elle n'écoute pas, ses yeux sont dans le vague, emplis de fureur. Je me place devant elle et la prends par les épaules. Mince, je ne sais pas ce qui vient de se passer...
Je l'attire dehors, et les autres protestent, mais un regard noir les fait taire. La porte s'ouvre et nous sortons. Au loin, les cloches finissent leur ouvrage et se taisent.
« Léa, ça va ? Léa ? »
Elle ne me répond pas, elle est ailleurs. Je passe ma main devant ses yeux, et enfin elle semble se réveiller. Elle me regarde, et je vois les larmes perler et couler sur ses joues. Elle se jette dans mes bras. Je ne comprends toujours rien. La porte s'ouvre de nouveau derrière, mais Léa ne bouge pas. Jérémy vient se planter à côté de nous et me regarde, l'air inquiet.
« Comment elle va ? »
Je ne sais pas quoi répondre et mime ma perplexité par une grimace.
« Léa, tu veux qu'on rentre ? »
Je la sens qui hoche la tête.
« Ils ont appelé les pompiers. Ils ont dit qu'elle était tombée, pas qu'elle avait reçu un coup de poing. »
Léa se redresse, et je lui découvre des yeux rouges comme je ne lui en avais jamais vu. Elle a l'air si faible...
« Mais qu'est-ce que j'ai fait ?... Qu'est-ce qui m'a pris ?... J'espère que ça va aller...
- Ca n'a pas l'air très grave, tu as juste du lui faire éclater un vaisseau, je ne crois pas qu'elle ait le nez cassé. Ca va aller. »
Je remercie Jérémy d'un hochement de tête.
« Tu diras au revoir aux autres de notre part.
- Et tu leur diras que je suis désolée !... »
Jérémy acquiesce en silence. Juliette sort, juste derrière lui, nous regarde avec une étrange curiosité sur le visage. Je crois qu'eux non plus n'avaient jamais vu Léa ainsi.
Je m'éloigne en gardant Léa contre moi. Nous montons dans la voiture, j'insère la clé et démarre le moteur. Léa s'attache tant bien que mal sur son siège, en reniflant. Je n'aurais jamais pu imaginer qu'elle puisse faire quelque chose comme ça.
Et puis, je comprends. Je ne crois pas faire preuve de trop d'orgueil en disant que ce qu'elle a fait, elle l'a fait pour moi.