La résurrection du Corbeau

Publié le par Alsciaukat

Tours
Léopold

l__opold.jpgLe vent souffle doucement sur mes mollets mis à nu par le pantacourt. Il faisait moche, ce matin, et puis finalement le temps s'est éclairci. Ce n'est pas plus mal. Ce n'est pas spécialement mieux non plus. Je ne sais pas vraiment ce que je veux. Je crois que simplement le temps m'indiffère. Plus le temps passe, et plus j'ai l'impression de m'approcher de cet idéal de pur esprit. Les contingences matérielles me posent de moins en moins de problèmes. Peut-être est-ce juste cette énorme indifférence que j'avais déjà pour mes semblables qui s'infiltre et contagie tout ce qui est solide. L'ennui est là, aussi, omniprésent, en cours. Je ne sais pas ce que je veux. J'ai dit oui quand mon père m'a proposé d'aller à Poitiers voir un peu de famille. Ca m'est simplement égal. Ici ou là-bas, quelle importance ? Les pensées ne changeront pas.
Je ne suis finalement bien qu'avec les mots et les chiffres. Quand je découvre de nouvelles choses en mathématiques, il y a cet instant de la découverte, cette seconde où je comprends comment s'articulent les choses autour du concept, comment les manier. Et puis la chose perd finalement de son intérêt. Et les mots. Je ne vais presque plus sur internet. Je reste assis, parfois sur mon lit, parfois à mon bureau, et laisse les mots pénétrer dans mon esprit, le violer, le mettre à nu, l'écarteler entre la danse de leurs lettres. Je me laisse aller, observe, comme de loin, le fascinant spectacle de l'immatériel mettant le matériel en charpie. Ou bien je lis. Une autre danse des mots, sur papier. Baudelaire me fascine plus que jamais.
Un bruit de feuille qu'on tourne dissipe ma rêverie. Georges entame sa troisième copie double. Il me lance un regard en coin, ayant constaté depuis quelques minutes déjà que je ne faisais plus rien. J'ai simplement fini. Ce devoir était d'une simplicité déconcertante. Les mêmes questions que celles rencontrées dans les innombrables exercices corrigés par le professeur en cours, mais en plus simple encore. Retour à la rêverie.

Dans le velours du ciel parsemé d’étincelles
Oscille faiblement la reine de la nuit,
Qui peint d’un blanc laiteux la ville qui s’ennuie,
Plaque ce feu blafard la moindre parcelle.

Je me rappelle du Corbeau. Toujours quelque part dans un recoin de ma tête. Je n'arrive pas à le définir. Echoué dans la glace des limbes.

Seul agite l’endroit un léger courant d’air,
Un petit tourbillon au milieu du ciment
Qui recouvre le toit du plus haut bâtiment
Que ne peut assombrir l’éclat des lampadaires.

Et la ville. La froideur des bâtiments, même sous l'éclatant soleil. Les gens qui se pressent. Seule la nuit parvient à sublimer quelque peu la ville, quand le voile de velours noir la recouvre, parfait, à peine piqueté en quelques endroits de pointes brillantes.

Et le froid se répand sur cette pure union
De la Lune et la Pierre, l’homme et la nature,
Intangible frontière, vraie sublimation.

Dans un souffle de gel et un cri de torture,
Une ombre se dessine, de neige parée ;

La sonnerie retentit. Le professeur se lève, nous dit qu'il est temps de rendre les copies. Je lui tends la mienne. Je me lève, sors de la salle. Je rentre chez moi.

Et lorsqu’elle s’ébroue, le Corbeau apparaît.


Publié dans Léopold

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A
Alleluia! Il est réssuscité! Mais quelle force. Beau poèmes comme d'habitude, et puis quelle verve! Le pauvre il est tou seul, repoussant les autres. Mais le corbeau est haï, il doit survivre par lui-même...
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C
Je te suis depuis le début Alsciaukat (tu le sais déjà je crois) m'enfin j'avoue que chaque fragment est vraiment super, et que plus ça avance mieux c'est :DLe pauvre Léopold à quand même eu un très dur retour de vacances, passer des coucher de soleil dans les landes à la mort d'une partie de lui même, passer du jaune et du vert au blanc et au Gris...La naissance d'un nouveau Léo ?
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A
Wah euh bah merci ! C'est vrai qu'on a déjà vu mieux comme retour de vacances... Quant à la naissance d'un nouveau Léopold... il est en constante évolution !
M
serais-tu sadique, montrer comme ca notre idéal mathématiques ??? la compréhension immédiate et la vision générale des maths ??? ^^ il est fort agréable de pouvoir te lire à nouveau, j'étais presque en manque! ;)
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A
Oui hein :D Ca serait bien ! Bon j'avoue, c'est du fantasme total !!
A
Preum's !Ah bah enfin ! De retour !Chouette frag, super sonnet :)Qu'il est fort ce Léo ^^ Et ce Corbeau...
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A
Vui, fort, si on veut :P Gageons que ça dépend du point de vue ! Merci :)