Passage Bossuet
Dijon
Sylvia
Je sais ce qu’elle regarde, je sais ce devant quoi elle dévoile tant d’admiration. Je suis passée devant cette vitrine il y a peu. Je mettrais ma main à couper que ces yeux flambants de désir sont pour lui, pour CE sac. Elle a exactement l’air que je devais avoir lorsque je l’ai remarqué. Un Kenzo rouge, avec des motifs assez étranges, et, pendant de la fermeture, ce qui s’apparente à un superbe porte-clefs griffé.Elle se mordille la lèvre inférieure, en glissant à la fille qui l’accompagne un « Il me le faut ! » qui ne laisse place à aucune concession. De tout son être émane une franche détermination. « Ils ont intérêt à me prendre, chez Quick ! »
Elle porte un jean un peu court, des baskets kaki, un long pull noir. J’ai la certitude qu’elle cherche à se dissimuler, certitude appuyée par la douce chaleur qui règne, et qui doit être de trop avec un pull comme celui-ci. Ses cheveux glissent lentement de l’élastique dans lequel elle avait voulu les enfermer ; elle repousse du bout du doigt ses lunettes sur son nez très légèrement retroussé.
Bruit de talons. Elle décroche un instant son regard de la vitrine pour suivre discrètement, les yeux presque dans le vague, la jeune asiatique qui vient de faire irruption dans le passage. La fille au sac suit un peu le mouvement des hanches de l’autre, elles se devinent si aisément sous sa jupe. L’asiat’ a l’air assez peu aimable et expressive, mais je dois avouer que moi non plus, je ne m’empêche pas d’admirer ses jambes fines, sa démarche un peu bancale causée par ses chaussures à talons compensés, sûrement mal attachées à ses jolies chevilles.
Puis, les yeux toujours dans le vide, elle semble réfléchir un peu, finalement sort son portable. « 420, si je prend le moyen rouge et le petit noir » annonce-t-elle dans une légère grimace.
Je refuse. Il est hors de question qu’elle achète le même sac que moi ! Pour qui elle se prend, je l’ai vu la première ! Cette ville est tellement minuscule qu’on se croisera forcément un jour ou l’autre. 235 € le sac rouge…
Je finis ma traversée du passage. Coup de fil à Francis. « Dis-moi, t’aurais des gens pour moi ? »