Juste une seconde d'éternité
Dijon
Sylvia
J'avale une gorgée de café pour faire passer la vague acide qui remonte sur le fond de ma langue. J'ose à peine lever les yeux ; jamais je n'aurais cru pouvoir avoir honte devant Toi. Sa main dans mes cheveux. « Ca va ? » Je secoue la tête de droite à gauche, pas trop fort, le marteau s'acharne toujours contre mon crâne. La nausée ne m'a pas quittée, fidèle tourbillon qui enserre mon estomac et empoisonne mon esprit. Mon corps me rappelle à l'ordre ; il m'avait déjà prévenue qu'il n'accepterait plus d'aussi grandes quantité d'alcool, je n'ai pas voulu l'écouter, et voilà que je déverse ce qu'il y a de plus profond et de plus marécageux en moi. Je frissonne et pourtant je me sens brûler, à l'intérieur. Le pincement se fait plus présent, de minute en minute il prend un peu plus de place dans mon ventre et dans ma tête et dans mes tripes que je sens pourrir en temps réel.« Tu es sûrement malade. » Mon cerveau sursaute dans ma boîte crânienne. Je relève les yeux sur lui. Comment a-t-il deviné ? Et merde merde merde !
« Quoi ?!
- Oui, t'as sûrement chopé une grippe, ou une gastro...
- Ah ! ... Oui, sûrement.
- Tu veux que je te prenne rendez-vous chez le médecin ?
- Non merci, ça ira. »
Et alors, tandis que je regarde le vert de ses yeux qui se voile d'inquiétude, je le sens enfin arriver. Celui que j'aurais dû sentir depuis bien longtemps déjà ; le ver qui creuse un tunnel dans ma chair moisie, le serpent qui glisse le long de mes entrailles, le remords putride qui dévore ce qu'il reste de moi. Et je sais que lui non plus jamais ne partira, toujours il sera caché au fond de mon ventre, lové contre la douleur aigüe qui me vrille les sens ; et le vide au creux de mes veines ne cessera de grandir, toujours.
Ya no quiero morir...
Donnez-moi juste un instant, juste une seconde d'éternité.