Et à travers tes yeux, nous traverserons le temps
Dijon
Sylvia
Je tend le bras afin d'attraper mon portable ; ma main encore plus que tout mon corps est secouée de spasmes violents. Lui dire. Ne pas garder pour moi l'insoutenable vérité, le drame ordinaire qui se déroule dans mon être tout entier. Il apparaît devant mes paupières closes, les yeux pleins de colère et d'incompréhension. Pourquoi ne lui ai-je pas dit plus tôt ? Pourquoi devrais-je lui dire ? Je resserre la couette autour de mes épaules comme deux bras protecteurs et chaleureux, enfouis la tête dans l'oreiller. A l'intérieur, le serpent se tord entre mes boyaux rougeâtres ; son sang se mêle au poison qui coule dans mes veines ; il enfonce ses crocs reluisants de venin dans mes entrailles, et ce venin ressort par mes yeux qui se sont refermés, formant bientôt une petite tache sur l'oreiller.Je ne veux pas que tu saches ; je ne veux pas te faire vivre avec ce poids. Tant que tu ne sauras rien, tu pourras être heureux. Je ne veux pas être celle qui brise ta vie entre ses doigts froids de cadavre encore vivant, je ne peux pas assumer. Mon inconscience. La déchéance de nos deux corps entremêlés. Dans mon esprit, nous sommes déjà tous les deux morts, et la terre lourde de pluie comprime déjà nos corps glacés. Pour toi, nous avons encore une vie entière de délices devant nous. Tu es celui qui nous sauvera, celui grâce à qui nous traverserons le temps. Grâce à toi, nous sommes aux portes de l'éternité, et nous dominerons le monde.
Il est déjà trop tard ; mais sèche mes larmes, et à travers tes yeux le futur est à nous.
Le temps s'est arrêté, et l'éternité est ce jour que toujours nous vivrons.