Train-train quotidien

Publié le par Déneb

Entre Lille et Cambrai
Suzanne

« Voie 4 : le train TER n° 843838 à destination de Cambrai va partir. Prenez garde à la fermeture automatique des portes. Attention au départ ! »

Je laisse défiler devant mes yeux épuisés les quais de Lille Flandres envahis par des publicités pour « Mimzy : le messager du futur », autre avatar cinématographique dérivé d’Harry Potter. Sur une voie parallèle, un jeune garçon à polo rose Eden Park est assis, les jambes pendant à quelques dizaines de cm des rails, son pc portable de toute dernière génération sur les genoux. Plus loin, une mère de famille pressée, son fils dans une main et sa valise dans l’autre court pour attraper le TGV. Là, deux amoureux à dreadlocks s’embrassent langoureusement. Là bas, c’est la vieille dame en noir, que je n’entends pas mais dont j’imagine très bien les paroles de colère et de haine, toujours les mêmes. Puis ici, là, partout, d’autres, comme moi, dizaines d’étudiants aux sacs à dos chargés de linge sale rentrant chez papa-maman pour le week-end, centaines de visages impassibles et fatigués.
Le train prend de la vitesse et la gare s’éloigne, elle et toutes ces vies inconnues que je croise sans cesse sans jamais les connaître. Ces gens qui peuplent Lille Flandres alimentent l’imaginaire de la gare, à coup de retrouvailles, de rencontres inattendues et autres avant-goût d’ailleurs. Un folklore propre aux jeunes filles rêveuses et aux farouches artistes adeptes de Kerouac ; un folklore qui n’est plus le mien. Autrefois, les mots « Lille Flandres » sonnaient en moi comme une promesse de liberté et d’aventure, synonymes d’une nouvelle vie qui s’offrirait bientôt à moi, sitôt le bac en poche. Aujourd’hui, ils ne sont plus associés qu’à des horaires sans fin, des trains bondés et étouffants, des sacs lourds, des trajets interminables, des contrôleurs sadiques et de la saleté, partout. Je me rappelle la jeune fille insouciante qui, jadis, « montait » sur Lille pour y faire des après midi shopping avec ses copines. Elle arpentait les rues pavées du vieux Lille, prenait une tasse de Sakura au Cha Yuan, ce salon de thé rue St Jacques, complètement kitsch mais tellement paisible, ou achetait une gaufre à 2,20 € chez Meert avant de reprendre le train pour Cambrai le soir. Et à présent, Lille m’ennuierait presque. Meert n’est plus ce paradis de la gourmandise à l’architecture délicieusement surannée mais une façade de magasin que je ne vois même plus. La banalité de la vie quotidienne est effrayante. Lille ne m’offre plus de mystère ni de secrets, ce n’est plus qu’une ville décharnée qui m’est devenue invisible et dont je suis lasse. La vie que j’espérais tant, qui me promettait à l’oreille monts et merveilles, est finalement aussi morne et insipide que celle que j ai quittée. Le train ralentit à nouveau tandis que la gare s’approche et je baille.

« Cambrai ici Cambrai. Assurez vous de n’avoir rien oublié dans le train. »

Publié dans [Suzanne]

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B
vous me faites rire avec vos charmantes querelles....<br /> texte agréable à lire, bon retour parmi nous !!
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A
Oh oui, une baston entre étoiles!! Quelle testostérone, quelle agressivité, j'en suis tout excité. M'enfin, sinon, comme le dit alta, écriture précise, nette, et superbes descriptions. Tiens, Sarguinounet aime bien le sdf, à creuser... (L'idée, pas Sarguinounet...(non, je ne rajouterai pas de quoique!))
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A
T_T
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D
ah ça, tout est une question de point de vue...  <br /> Au moins Damien a eu la délicatesse de ne pas l engrosser. :-p
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A
Vous allez pas nous refaire le coup de la pauvre victime femelle et du salaud de mec quand même? T_T
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