Jill

Publié le par Altaïr

Dijon
Julian
 
Jill a seize ans. Sur la table de la cuisine, elle fait ses devoirs. La prof de socio n’a pas donné d’exercice pour le lendemain, mais elle préfère relire sa leçon. Non, pas de contrôle en vue. Et si elle avait juste envie de relire son cours ? Ca pose un problème ? Bon. Jill a seize ans. Les cheveux blonds platines et le nez pointu. Non, elle ne veut pas le changer. Il paraît que c’est à la mode. Jill ne veut rien changer chez elle. Jill est plutôt jolie.
Son portable sonne. C’est Laetitia. Oui, elle est d’accord pour une sortie ce soir. Laetitia, tout à coup, s’offusque. Quoi ? Quitter Seb ? Jill est formelle. Pourtant il est mignon. Sébastien est un gentil garçon mais… Jill ne sait pas encore. Les années lui apprendront à placer des mots nouveaux sur ce qu’elle attend d’un homme : un brin de folie, une lueur d’artiste, une once d’originalité. Pour l’instant, elle ne peut que dire « ce n’est pas mon genre », et entendre répéter Laetitia « pourtant il est mignon ». Elle aussi finira par comprendre, avec le temps.
Quand Jill raccroche le téléphone. Le silence de la pièce lui explose dans les oreilles. On se sent moins seul, quand il y a une voix.
Il est 22h. Jill est jolie, prête pour sortir. Elle s’apprête à rejoindre Laetitia et les autres. Mais son père fait irruption dans la maison, titubant, croulant sous le poids de l’alcool, puant la bile, et il s’affale dans le hall. Des contusions au visage. Encore une bagarre au Quentin. A quarante ans, une âme d’enfant. Jill regarde son corps, son gros corps imbibé. Et elle le déteste, car elle sait, inconsciemment, ce qui arrivera un jour. Elle sait que ce jour la contusion sera mortelle. Elle sait ce qu’elle devra faire. Aller jusqu’à la cuisine. Lentement. Ouvrir le tiroir, le tiroir à couverts. Prendre le couteau, le gros couteau, celui que l’oncle Henri a ramené de son voyage et qui a une gaine ciselée. Prendre le couteau.
 
Jill a pris le couteau, lentement. Elle a enjambé le corps de son père et est sortie dans la nuit. Je suis rentré chez moi, je me suis couché. J’ai envie de vomir. Je ne peux plus sortir de mon lit, je ne peux plus dormir. Mon temple est une prison sans barreau, et il n’existe pas de cachot plus terrible. Jill ne répond plus au téléphone. J’ai l’impression qu’elle a surgi comme un phantasme dans mon existence, et que, comme un songe, elle s’est évanouie.
Jeune femme sensuelle, Jill est devenue Furie, déité infernale assoiffée de vengeance.
Et Ca, la sensation dans mon ventre, ne grandira plus maintenant. Ca a coagulé, séché, pour se changer en nostalgie et en peine. L'amour...
 

Publié dans Julian

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A
oui bravo, et aussi un cc aux serveur du quentin, mm si il y en a u qui louche et l'autre qui n'est pas bo! c'est pas une fatalité
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M
L'amour oui...Quoi qu'il arrive.J'aime toujours et encore tellement te lire !
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