Aigreur cérébrale
Dijon
Julian
La Pieuvre me fixe, de son regard tentaculaire, je sens sa viscosité dans mon dos, et dieu sait ce qu’il advient de mon image entre ses ventouses cérébrales. Je jette un œil à ma montre et observe la course de la trotteuse sur le petit disque du temps. Cours, petite aiguille, cours ! Elle doit être épuisée, à force, mais elle ne s’arrête pas, toujours pressée par les secondes qui s’égrènent à l’infini. Les minutes, elles, sont interminables. Qu’est-ce que je fous ici ? Je voudrais partir, quitter cet amphi, cette fac, que tout le monde tourne ses yeux vers moi dans un grand fracas. « Oh regardez, c’est Julian Mahogany, il s’en va ! ». Mais non, il n’y a que cette sale Pieuvre pour me fixer sans cesse. Je ne sais pas encore si je la déteste ou la méprise. Je voudrais simplement qu’elle me laisse tranquille.
Le temps a mené le cours à son terme, lentement, et je range mes affaires en hâte, comme les autres étudiants qui, comme moi, vont se ruer au RU pour ne pas avoir à faire la queue. Je me précipite dans le couloir, descends les escaliers, me faufile entre les autres. Un garçon me retient la porte, et je passe en lui murmurant un vague merci. Je hâte le pas en traversant les pelouses, quand soudain, je m’arrête. Un garçon vient de me tenir la porte et je n’ai même pas réagi. Un garçon aux traits flous, car je ne l’ai pas vraiment détaillé avec attention, mais d’où se détachait un charme certain et nonchalant. Un garçon ne tient pas la porte à un autre, pas en le regardant comme ça, avec respect. Un garçon ne fait pas ça. Pas avec un autre garçon. Pourquoi ? C’est idiot.
Je ressasse la scène de la porte mille et une fois avant d’arriver devant le RU, où m’attend Lola. Qu’est-ce que tu fais Julian ? Tu penses un peu à elle ?
Ce n’était qu’un mec comme ça… Je ne le reverrai sans doute pas…
Et Lola ?
J’ai encore le droit de regarder les gens, non ?
Et Lola ?
Ce n’est pas de ma faute si il me plaisait !
Et Lola ?
Laisse-moi tranquille merde !
Es-tu sûr de ce que tu ressens pour elle ?
Bien sûr que oui ! Je l’aime ! Je…
Vraiment ?
J’aime Lola…
Vraiment ?
Je…
« Ca va Julian ? s’enquiert-elle après un baiser un peu sec.
« Ca va Julian ? s’enquiert-elle après un baiser un peu sec.
- Oui… oui désolé, je suis fatigué…
- Tu vas pouvoir te reposer ce soir, je n’ai pas le droit de sortir… »
- Tu vas pouvoir te reposer ce soir, je n’ai pas le droit de sortir… »