Des Dunes
Dijon
Dimitri
Ca recommence. C’est dommage. J’étais plutôt content d’avoir passé ces premiers jours à la fac sans trop bouillir. Mais je ne suis plus à la fac, donc ça recommence. Inévitablement, d’autres premiers jours, d’autres premières impressions. On redonne les premiers coups de pelle. On creuse les fondations des ponts de rien qui voudront bien nourrir l’utopie de s’intégrer rapidement et durablement au sein de cette petite communauté qui ne demande rien à personne et à laquelle personne ne demande rien, sauf d’être. Des rivières, des fleuves. Des océans qu’on ne franchira jamais. Des ponts de rien et de poussières. Des dunes. Un brin de vent. Un brin de vent suffit pour se convaincre de rester à quai, s’observer par-delà les remous... Mais on ne s’observe pas. On se juge. On recueille un peu de rien sans valeur, un peu de poussière sans saveur qui s’ennuyait sur un de ces ponts qu’on n’achèvera jamais, puis on construit des préjugés incroyablement solides. Des bombes. Nucléaires. Lâchées au cœur du noyau de chacun. Des bombes que rien ne démine et auxquelles rien ne résiste. Sauf la haine. Et l’amour. Je crois. Il ne s’agit pas de se laisser aveugler. Amour et haine soulèvent les vents les plus lointains en entrant dans une vie. Des cyclones. Des apocalypses. Seuls amour et haine osent frapper l’équilibre si stable des préjugés, répandre tout autour cette précieuse poussière qui crève les yeux. Les cœurs.Les yeux. Les cœurs. Michelle, si tu savais tout l’amour, toute la haine qu’il n’y a pas ici... Il n’y a tellement rien ici. Il n’y a tellement rien... Par contre il y a les yeux noirs du prof de maths qui a bien remarqué que j’étais le nouveau et semble ne pas beaucoup apprécier ce qu’il désigne comme étant un « comportement désagréablement passif ». Je puise encore quelques forces parmi les dernières pour partir à l’aventure, à la relecture de ce polycopié, à la recherche de ce qu’il appelle « un peu de bonne volonté ». Quel orateur... Exercice : on compte les œufs dans un nid... Non, vraiment. Non merci. La pédagogie devrait se faire art de donner l’envie. Même juste parfois. J’espérais autre chose. Quelque chose qui vive un peu plus que des œufs rangés en série statistique. Quelque chose qui ne se contente pas d’être vivant. Quelque chose qui ne se contente pas d’attendre qu’on le cuisine en se demandant comment.